Emission « Parole d’Église pour aujourd’hui ! »

Je viens de commencer sur Radio Sainte Thérèse, la radio diocésaine dont le directeur

Radio Sainte-Thérèse

est un assomptionniste, une nouvelle émission qui s’intitule « Parole d’Église pour aujourd’hui ! » Je reprends en fait, de manière radiophonique, le type de parcours qui s’appelait « Actualité de l’Église » à Québec. Le but poursuivit est toujours le même : permettre aux chrétiens qui le souhaitent d’aller lire de plus près les textes de l’Église, sans se contenter des approximations plus ou moins bienveillantes de la part de certains médias. J’aimerais vous en partager quelques éléments…

– De quoi parle-t-on quand on parle de Magistère de l’Église, et pourquoi s’intéresser aux textes du Magistère ? :

En fait, les textes du Pape ou des Évêques ont de bien différents niveaux d’autoritéselon les cas : un discours du Pape, dans telle ou telle circonstance, n’a pas la même autorité qu’un texte où il définit un dogme… Un Évêque qui se prononce sur un sujet particulier pour son diocèse, n’a pas la même autorité qu’une parole collective d’Évêques rassemblés en concile ou en synode. Un texte d’un dicastère romain, n’est pas non plus une constitution dogmatique d’un concile, etc.

De plus, « si le Magistère est seul à pouvoir proposer une interprétation « authentique », et faisant donc autorité pour les croyants, il n’est jamais seul dans son travail de discernement du sens des Écritures et de la Tradition. Il s’en acquitte lui-même au sein de l’Église, en bénéficiant, non seulement du travail des exégètes et des théologiens, mais aussi de ce que l’écoute croyante des fidèles a perçu de cette Parole de Dieu qui lui est transmise. » (Catéchisme pour adultes, §64)

– Pourquoi s’intéresser aux textes de l’Église, l’Évangile ne suffit-il pas ?

En fait nous avons là un point de clivage par rapport à la tradition protestante de la « Sola Scriptura ». Pour la tradition catholique :  » La sainte Tradition et la SainteÉcriture constituent un unique dépôt sacré de la Parolede Dieu, confié à l’Eglise » cf. Dei Verbum §10

Il faut bien comprendre, en effet, que le Nouveau Testament est un fruit des premières communautés chrétiennes. Jésus n’a rien écrit ! Opposer Nouveau Testament à Tradition de l’Église n’a donc pas vraiment de sens… Ce sont les premières communautés qui ont mis par écrit leur expérience de Jésus Christ et donc c’est l’Église qui a autorité pour interpréter ces Écritures… Sinon on peut faire dire n’importe quoi aux textes. (cf. lectures fondamentalistes ou littérales)

– Interprétation authentique ? Qu’est-ce à dire ? N’y a-t-il pas eu bien des changements de positions de la part de l’Église ?

Certes, on pourrait multiplier les exemples de revirements d’attitude de la part du Magistère dans des domaines très variés… Par exemple Grégoire XVI dans son encyclique « Mirari vos » de 1832 qualifie de « délire » la liberté religieuse alors que le Concile Vatican II et les papes qui ont suivi prônent la liberté religieuse comme une exigence évangélique. Pie XI en 1928 fustige les velléités œcuméniques naissantes alors que, depuis Jean XXIII, les papes ne cessent de proclamer l’œcuménisme comme une nécessité vitale pour l’Église… On pourrait encore évoquer ici les changements d’attitude du Magistère à l’égard du prêt à intérêt ou de l’exégèse biblique, etc.

Deux éléments sont ici importants : ne pas faire d’anachronisme, et juger avec nos lunettes d’aujourd’hui telle ou telle position du passé, sans vraiment connaître le contexte du débat. Par ailleurs, il ne faut pas confondre « interprétation authentique » et infaillibilité. Interprétation authentique signifie que, dans tel contexte bien précis, l’Église indique le chemin qui lui semble le plus sage et le plus fidèle à l’Évangile. Cela n’a rien à voir avec une déclaration infaillible. La seule fois, depuis le Concile Vatican I (qui a définit l’infaillibilité pontificale), où cette infaillibilité fut engagée, ce fut pour la proclamation du dogme de l’Assomption dela Vierge Marie en 1950 par Pie XII.

Interview

– Que se passe-t-il si des fidèles se sentent en porte à faux avec certains enseignements du Magistère, s’ils se sentent incapables d’adhérer à l’enseignement de l’Église… Par exemple dans le domaine de la morale sexuelle ?

Ici aussi deux éléments de réponse : d’abord ce qu’on appelle la loi de gradualité : Cette notion est apparue au synode de 1980 sur la famille et dans l’exhortation apostolique  Familiaris consortio qui le suivit en 1981. Il s’agissait, pour les évêques, de supprimer la dichotomie apparente entre, d’une part, les exigences de l’amour authentique et plénier telles qu’elles étaient formulées dans l’encyclique Humanae Vitae de 1968 (avec la question de l’emploi des moyens de contraception non naturels) et, d’autre part, la faiblesse humaine des personnes et des couples. La « loi de gradualité » prend en compte un « cheminement pédagogique de croissance incontournable pour les êtres insérés dans le temps que nous sommes » (F.C. n° 9).  Ou encore  » l’Homme connaît, aime et accomplit le bien moral en suivant les étapes d’une croissance. » (F.C. n° 34).

En clair, cela signifie que nul n’est tenu d’appliquer immédiatement et dans son intégralité la norme morale proposée par le magistère de l’Église, s’il se juge incapable de la respecter ici et maintenant. L’important, dans ce cas, est de reconnaître la valeur de la norme, de vouloir la vivre pleinement le plus tôt possible, et de prendre les moyens concrets naturels et surnaturels pour s’en rapprocher. Si donc l’application immédiate de la lettre de la norme n’est pas toujours exigée, par contre, la tension vers celle-ci l’est ! L’enseignement de l’Église  a pour rôle ici d’éclairer les consciences, mais aussi de nous empêcher de nous justifier trop rapidement, pour que nous nous ouvrions à l’action de Dieu en nous et, ainsi, que nous puissions continuer à progresser.

Deuxième élément de réponse… L’objection de conscience. En dernier recours au cas où l’on se sentirait incapable, en conscience, d’obéir à une directive de l’Église, il est certain que l’obéissance à sa propre conscience prend la première place : « L’être humain doit toujours obéir au jugement certain de sa conscience. S’il agissait délibérément contre ce dernier, il se condamnerait lui-même » (Catéchisme Eglise Cath. §1790). … mais le texte ajoute : « Mais il arrive que la conscience morale soit dans l’ignorance et porte des jugements erronés sur des actes à poser ou déjà commis. »

L’obéissance au magistère est postulée de la part du baptisé (avec différents niveaux d’adhésion suivant les degrés d’autorité des textes), mais il ne peut s’agir d’une obéissance aveugle qui le dispenserait de l’obéissance plus fondamentale due à sa conscience. Mais une conscience que chaque catholique doit sans cesse avoir le souci d’éclairer par la Parole de Dieu et par l’enseignement du Magistère de l’Église.

D’où la pertinence de notre parcours…

P. Benoît Bigard,a.a.

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2 réponses à Emission « Parole d’Église pour aujourd’hui ! »

  1. Monique dit :

    Je reconnais bien là l’esprit de nos cours au Montmartre : c’est fouillé, c’est minutieux, c’est pédagogique. Et c’est combien précieux ! Ces nuances sont éminemment utiles pour accepter de respecter une Église que l’on comprend de moins en moins. Le mot « Magistère » a eu et a encore, je crois, une connotation intransigeante et surtout sclérosée ; cette notion de gradualité que je ne connaissais (évidemment) pas montre une sorte de réconciliation admirable des règles avec la réalité. Toutefois faut-il opposer comme il semble ressortir des travaux des évêques, « les exigences de l’amour authentique et plénier » à « la faiblesse humaine des personnes et des couples » ? À mon sens, si l’Église garde encore cette notion de « faiblesse humaine », c’est peut-être qu’elle ne veut pas abandonner sa noble, authentique, millénaire et chère prérogative d’unique gardienne des idéaux alors que les pauvres humains mortels seraient, eux, prisonniers de la « faiblesse humaine »… Saint Thomas d’Aquin parle de la même chose dans ses considérations sur l’homme mais il met l’accent sur ce que l’on pourrait, en effet, qualifier de « croissance ». Ce sont les « vertus », c’est-à-dire diverses forces de caractère dont une des caractéristiques est de se développer et de se fortifier avec la pratique, ou l’entraînement (ascèse). Personne ne vient au monde chaste ; la vertu de chasteté se développe et se fortifie par… des actes de chasteté. Comment devient-on juste ? demandait Aristote. – En faisant ce que font les hommes justes, répond-il. C’est la même chose pour toutes les vertus : on a des modèles (et pas des définitions, et pas des normes), on les aime, on les imite et « avec le temps », on développe nous aussi cet « habitus » (presque le sens de « habitude »), ou pour prendre un vocabulaire plus ancien, on développe une « disposition stable ». Ce n’est pas, comme je le comprends, une question de « faiblesse humaine » mais de « nature humaine ». La nuance est de taille !

    De sorte qu’il serait exact de dire que « nul n’est tenu d’appliquer immédiatement et dans son intégralité la « norme » morale proposée par le Magistère de l’Église, s’il se juge incapable de la respecter ici et maintenant » ; mais non pas parce que c’est une « norme », chose abstraite et désincarnée, mais parce que c’est comme ça que la nature humaine semble être constituée. Par ailleurs, il est vrai de dire que « la tension vers celle-ci reste toujours exigée »* pour autant que l’on accepte que ce n’est pas la « norme » qui est l’idéal vers lequel on tend mais la vertu elle-même, mais la chasteté, mais la justice, etc… Les Pères de l’Église n’ont pas parlé autrement, je me demande quand alors est apparue la notion de « normes »… Quant au rôle de l’Église dans son enseignement pour éclairer les consciences, je l’accepte et je l’appelle non pas en tant que détentrice des « normes » mais plutôt comme « pourvoyeuse » (!) d’espoir dans la voie de la vertu. Et donc de la sérénité. Ou de la sainteté, comme on voudra…

    Combien de consciences honnêtes et généreuses n’ont-elles pas été torturées parce qu’elles se voyaient, en effet, incapables « d’appliquer immédiatement et dans son intégralité la norme morale proposée par le Magistère de l’Église », alors qu’un être humain ne se mesure pas à l’aune d’une norme, sorte d’hybride mathématique qui fait fureur aujourd’hui, dans l’enseignement, par exemple, au travail, en santé, etc…

    La notion de gradualité de 1980 est donc un beau progrès, celle de croissance est riche. Celle de « faiblesse humaine », par contre, me semble délicate à manipuler, dans sa formulation à tout le moins. Mais je suis sans doute « un peu » excessive !

    * Je crois que dans tout ça, c’est Denis Vasse qui, au final, exprime le mieux ce dont il s’agit : « Le désir est comme le cœur et la couleur du temps de l’homme. » (Le temps du désir, Seuil) D’où, on pourrait en conclure ceci : pas de tension-vers sans le désir, le désir « est » lui-même la tension-vers. Et que tout ça peut se dire ainsi parce l’homme est un être dans le temps. Pas le temps de la physique, bien sûr, mais le temps humain, celui du désir. Pas mal, non ? Denis Vasse ajoute : « Le désir bat la mesure de [la vie humaine] ». Comme une musique, une harmonie… Vu comme ça le Magistère pourrait laisser aller ses « normes » et s’inscrire dans la Vérité et l’Être, comme le dit encore Denis Vasse.

  2. Jean-Paul Sagadou dit :

    Merci pour votre initiative. Courage !

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