La nouvelle année à Ouagadougou

« La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent… »  dit Albert Camus ; présentement à Ouagadougou, tout le monde est en mouvement, pour faire du présent, le tremplin d’un meilleur avenir ; c’est la rentrée, c’est une nouvelle expérience qui commence pour tous, et des frères partagent avec nous, leurs convictions, leur mission.

BB: Père Jean-Paul, en tant que supérieur de la communauté de Ouagadougou, dans quel esprit débutez-vous cette nouvelle année ?

Père Jean Paul SAGADOU

Bernard, je reçois ta question au soir d’un jour (à Lomé) où j’ai suivi à la télévision togolaise une émission sur la notion de responsabilité. Une émission visant à sensibiliser et à former les jeunes Togolais pour qu’ils se préparent à assumer leurs responsabilités dans la société. Non seulement cette émission m’a rappelé mon cours de philosophie pour les élèves de terminale de l’ITC-Assomption de Sokodé, notamment le cours sur la notion de « liberté et responsabilité », mais elle m’a « replacé » aussi dans le contexte de ma responsabilité actuelle de supérieur de la communauté assomptionniste de Ouagadougou. La question à laquelle je réponds est donc celle-ci : comment j’envisage ma responsabilité de supérieur de la communauté de Ouagadougou cette année 2012-2013 ? Je commence par une affirmation fondamentale : la communauté de Ouaga est une communauté de formation en fondation. C’est une jeune communauté. Jeune par sa fondation (un an d’existence) et jeune par la composition des âges de ses membres (le plus jeune a 24 ans et le plus âgé 41 ans). C’est une communauté de 13 membres composée de trois nationalités. Pour accompagner une telle communauté, j’ai besoin de cultiver (et c’est ainsi que je réponds à ta question) ce que les philosophes appellent une « pensée élargie ». Vous le savez sans doute, c’est Emmanuel Kant, dans le sillage de J.J Rousseau, qui lance, pour la première fois, l’idée cruciale d’une « pensée élargie » comme sens de la vie humaine. La pensée élargie, à ses yeux, c’est le contraire de l’esprit borné, c’est la pensée qui parvient à s’arracher à sa situation particulière d’origine pour s’élever jusqu’à la compréhension de l’autre. C’est une grande exigence que d’apprendre à ouvrir son esprit. S’ouvrir à l’autre ou à autre chose, suppose à la fois que l’on s’éloigne de soi-même et de sa condition particulière de départ pour entrer dans une sphère plus large, plus universelle. En s’arrachant à ses particularités initiales, on entre dans plus d’humanité (Luc Ferry), on élargit sa vue et on repousse les bornes naturelles de l’esprit qui se replie sur soi. Chacun d’entre nous a besoin de se protéger, de « maîtriser sa maîtrise » (Bachelard), mais tant que la personnalité ne s’ouvre pas sur l’autre, elle ne peut vraiment se structurer. C’est la relation à l’autre et non la répression de soi qui est le meilleur garant d’un ordre de soi. « On est fermé à son chaos interne quand on est ouvert à l’autre » (Bertrand Vergely). Voir grand, voir large….n’est-ce pas là les attitudes exigeantes qui sont demandées à tout assomptionniste ? Comme supérieur, comme formateur et comme frère de la communauté, c’est dans cet esprit que je souhaite vivre cette année !

Jean-Paul Sagadou

BB: Père Nicolas ; voilà deux ans que vous œuvrez pour la mission de Ouagadougou ; quels sont vos domaines d’action, vos découvertes et vos attentes en cette nouvelle année ?

Père Nicolas

Ta question est pertinente, je suis à la communauté pour aider les frères après le noviciat de Sokodé. Le but est de collaborer avec les autres confrères formateurs pour la formation des jeunes frères à Ouagadougou, qui font leurs études philosophiques chez Les Pères Blancs à LAVIGERIE. Je participe à l’économat de la communauté ; une charge lourde pour moi car je n’ai jamais fait l’économe de grand groupe comme ici à Ouagadougou.
Mes découvertes, d’abord c’est le Burkina Faso. Je sens que c’est le pays « des hommes intègres ». Je découvre aussi une large relation en équipe presbytérale ; découverte avec l’aumônerie des collèges et lycées. Je collabore avec l’abbé Jonas ZOUNGRANA qui est l’aumônier principal. Je travaille avec lui pour la coordination du travail entre les catéchistes et les parents d’élèves et les collégiens et lycéens. La grande tâche pour nous c’est la catéchèse. Au total, il y a environ 400 000 élèves pour l’aumônerie de l’archidiocèse de Ouagadougou. Les défis, c’est d’amener les élèves à poursuivre la formation permanente après la catéchèse initiale.
Mes attentes, c’est de m’épanouir dans mon apostolat qui, cette année, comprend aussi l’accompagnement apostolique des jeunes frères. Je voudrais avoir une expérience de l’économat pour un grand groupe comme le scolasticat de Ouagadougou. Je préfère aussi partager et donner plus d’expérience aux jeunes frères pour la formation au niveau de l’économat en vue de bien gérer les biens de la communauté.
Voilà ce que je peux brièvement partager avec vous. Merci beaucoup !

Nicolas RANDRIANARISON.

BB: Frère Fabrice, vous débutez une nouvelle année de formation dans un milieu que vous intégrez pour la première fois ; quelles sont vos premières impressions sur le milieu, notamment celui des études ?

Frère Fabrice-Marie

Je partage volontiers mes impressions dans ce nouveau cadre. D’abord j’avoue que je me sens dépaysé comme nouvel étudiant dans cette maison de formation des Pères Blancs ; pourtant cette ambiance ne m’est pas très étrangère en tant que vieil étudiant. Je suis très impressionné par la chaleur fraternelle qui existe dans cette « université» : chaque matin tous les étudiants se saluent en se serrant la main ; tous ! et parfois j’ai de la peine à prendre toutes les mains, mais… à Lavigerie c’est presqu’une règle.
Je découvre la ville de Ouaga, une ville très animée, avec sa dense circulation de motos, spécial moyen de déplacement de tous les âges et de tous les sexes. C’est impressionnant de regarder toutes ces personnes qui vont et viennent, matin et soir, sans doute à la recherche du gain journalier, ou à la recherche du savoir. Cela me fait toujours réfléchir sur la question du sens de la vie…
Je suis heureux de vivre avec des frères avec qui je partage un quotidien très rythmé ; je dis tout simplement que pour l’instant, la vie va bon train.

La nouvelle année a donc bien commencé ; nous venons d’épuiser une semaine de cours à Lavigerie, et déjà, les travaux de recherche ne se font pas attendre. « Saluons ensemble cette nouvelle année qui vieillit notre amitié sans vieillir notre cœur. » (Lettre à Alfred de Vigny, Victor Hugo)

Propos recuillis par Bernard BAMOGO

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1 réponse à La nouvelle année à Ouagadougou

  1. P. Benoît dit :

    Merci pour ces beaux échos de votre début d’année…
    Poursuivez bien la route !

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